Quand elle arrive, tout le monde la regarde. Ce n'est pas qu'elle soit jolie, mais sa cape fouette le sol avec violence -et puis, elle parle fort.
Elle n'hésite pas à s'imposer, elle n'a pas peur, peur de cet inconnu de la faculté, peur des autres qui ne lui ressemblent pas, peur de ce qu'elle va devoir apprendre. Assurée d'avoir sa place puisque les autres n'existent pas.
Ses bottes sont usées comme il faut; elle prend soin de ne pas sourire -un peu comme les top des podiums. Le regard un peu blasé ou triste, si souvent silencieuse qu'on se demande même si elle a su parler un jour. Toujours seule, à peine rêveuse, alors que les beaux jours appellent par les fenêtres, comme le ciel grand et bleu ou les oiseaux heureux.
Elle aurait aimé se sentir un peu plus française. Sous ses accents coréens qu'elle a tant de mal à dissumuler,ces mots français ont un charme précieux : elle aime ces mots ronds, parfois rapeux en bouche qui deviennent de ses lèvres des pépites qu'on ne comprend pas toujours.
La fac illuminée ce matin accueille ses pas doux et légers. Discrète. La cape bat le carrelage brillant, encore humide de javel. La jupe froissée comme son visage embué, le sourire envolé.
Il est l'heure j'ai entendu dire. Alors je les suis.